vendredi 11 novembre 2011

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Un jour ou l’autre, nous avons tous entendu dire qu’avant de mourir, juste avant, notre vie tout entière défilait devant nos yeux. Alors que je suis sur le point de disparaître, je peux vous dire que c’est vrai. Je peux en témoigner.
Dans un instant je serai mort, et tout me revient : le coup de téléphone qui, un matin, me sauva la vie, le moment où j’ai signé le contrat qui allait sceller mon malheur, les interviews, les flashes des photographes, les fans en délire, Hollywood, les applaudissements, les fêtes, le champagne, les lettres d’amour, l’amour ; les procès, les lettres anonymes et les lettres d’insultes, les journaux à scandales, l’opprobre ; la foule qui me conspue et me crache dessus, les injures. Le mépris. Les cauchemars. La détresse.
Le regard de mon père.
Le sourire d’Isabelle.
Le jour où Isabelle m’a dit je t’aime pour la première fois.

Le jour où je l’ai perdue.


Tout le monde a quelque chose à dire. Chacun a une histoire à raconter. La mienne est longue et compliquée, sinueuse et torturée.
Elle avait pourtant bien commencé.


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J’ai toujours eu une haute opinion de moi-même ; j’ai toujours pensé que j’étais sur terre pour laisser une empreinte aussi sûrement que Neil Armstrong a laissé la sienne sur la lune et que, contrairement aux milliards de personnes qui, depuis la nuit des temps, sont nées, ont vécu et sont mortes dans l’indifférence la plus totale, on allait se souvenir de moi et pendant des dizaines d’années, voir pendant des temps séculaires. J’étais le seul à le penser, j’étais seul à ne pas me considérer comme un raté qui n’accomplirait jamais rien mais je le pensais. Je ne savais pas comment j’allais marquer l’histoire mais je le ferais. Je le savais, c’était là, en moi. Il fallait juste que je trouve le moyen.
J’ai tout d’abord voulu devenir acteur : le parfum de gloire et d’admiration qui flottait autour de certaines stars, semblant auréoler leur tempe de lauriers dorés me siérait, pensais-je, à merveille. Mais je m’aperçus très vite que, outre le talent, me manquait la Vocation, cette petite flamme qui anime les comédiens dont beaucoup, au chômage, ne tient que par cette étincelle de désir, de volonté inébranlable. Et je ne voulais pas être un comédien au chômage parmi tant d’autres, trébuchant de galère en frustration ; je voulais être une star adulée ou rien. Donc, je n’étais encore rien.
Je me tournai alors vers la peinture. L’idée d’être exposé dans les galeries et les musées du monde entier, offert aux yeux de connoisseurs ébaubis m’amusait bien. Mais ne sortant d’aucune école d’art et ne possédant aucune technique, je ne savais que faire du talent qui, j’en étais convaincu, m’habitait et ne demandait qu’à s’exprimer, qu’à éclater à la figure d’un monde admiratif et enthousiaste. Je me lançai donc dans le collage ; procédé, croyais-je, assez aisé, et je me mis à créer d’immenses fresques surréalistes où des chameaux et des phoques à tête de serpent côtoyaient des femmes plantureuses auxquelles j’ajoutais des ailes de papillons, et que je faisais évoluer naïadement parmi des planètes et des soleils, le tout issu de magazines divers et variés genre ça m’intéresse, Newlook ou Paris Match. Personnellement, je trouvais cela formidable. J’étais bien le seul.
Maudissant les imbéciles qui n’y connaissaient rien, je remisai rageusement mes ciseaux et jetai les revues, gazettes et journaux que j’avais consciencieusement amassé pendant des mois en fouillant chaque poubelle jaune destinée au recyclage du carton et du papier de mon quartier.
Me trouvant une passion pour le cinéma, je commençai à écrire des scénarii. J’en rédigeai un premier, qui me plaisait bien, racontant l’histoire d’un homme qui revivait toujours la même journée. Puis je vis un film intitulé Un jour sans fin, narrant les péripéties d’un homme qui revivait toujours la même journée. Je jetai donc mon scénario, et consacrai mon temps précieux à un second, l’histoire d’un schizophrène qui, à chaque fois qu’il change d’identité, se transforme également physiquement. Je trouvais l’idée plutôt chiée. C’est à peu près à cette époque que le cinéma de mon quartier projeta Lost Highway de David Lynch, l’histoire d’un schizophrène qui, lors d’une crise, devient littéralement et physiquement quelqu’un d’autre. Je commençais à être un tantinet agacé. J’écrivis enfin les aventures d’un homme qui découvre que ce qu’il vit n’est pas la réalité mais une suite de souvenirs artificiels programmés et implantés dans les cerveaux humains par des machines se servant d’eux comme de combustible. Peu de temps après, Matrix eut un succès phénoménal. J’en pleurai de rage.
À court d’idée et oh combien frustré, j’envisageais d’entrer dans la postérité en assassinant quelqu’un de célèbre. Mais je ne voulais pas marquer les esprits comme un monstre sadique, meurtrier d’une nouvelle Sharon Tate ou d’un quelconque John Lennon, ah non, je voulais que le monde se souvienne de moi comme d’un héros, pire, comme d’un martyr. J’ai alors imaginé tuer Jean-Paul Legroin, homme politique néo-fasciste dont la côte de popularité montait dangereusement dans les sondages. Mais mon envie de le trucider sombra en même temps que ses chances de devenir président suite à des paroles aussi maladroites que malodorantes qu’il tint sur le conflit israélo-palestinien. De plus, je n’avais pas d’arme, et je ne savais comment m’en procurer une, ce qui réglait le problème.

Comme tout le monde, je vieillissais. Étant en échec scolaire parce qu’ayant quitté l’école à dix-sept ans pour vivre ma soi-disante passion d’acteur, je n’avais aucun diplôme, aucune qualification, aucune formation, et je passai inlassablement de boulot minable en job crétin. Je fus tout : égoutier, caissier de fast-food et agent hospitalier, sondeur, ramasseur de balles et vendeur de chichis sur les plages, veilleur de nuit et télévendeur et, d’agences intérimaires en ANPE, de RMI en APL pour HLM crasseux, je vivais, ou plutôt je survivais en attendant que la gloire frappasse à ma porte, irrité par son désobligeant retard et par son manque incompréhensible de discernement.

Ma vie était minable. Je ne possédais rien, j’étais seul. J’avais bien quelques amis, ou plutôt des connaissances qui passaient me voir, de temps à autre, pour partager un joint d’herbe avec moi et que je faisais rire, car non, je n’avais pas que des défauts, j’avais aussi de l’humour. Mais je me rendis vite compte qu’à part mes traits d’esprit somme toute plus aisés à apprécier sous psychotropes, mes copains ne me trouvaient pas beaucoup d’intérêt, préférant, la plupart du temps, rester entre eux sans moi, et ne venant me voir que quand l’ennui les taraudait trop et qu’ils se retrouvaient sans vraiment savoir quoi faire d’autre.
J’arrivais à me faire quelques petites amies, parfois. Que je ne gardais pas longtemps. Elles se lassaient rapidement de partager la vie d’un minable-bon-à-rien-sinon-à-se-plaindre. Les premières fois, j’eu très mal, me retrouvant souvent seul dans le noir, à chialer comme un gosse en écoutant des chansons tristes. Puis je m’habituai, à me faire larguer et à la solitude. Un soir brumé par des vapeurs d’alcool, je failli demander ma main droite en mariage.
Soudain, je me suis trouvé une conscience politique. Soudain, j’avais une furieuse envie de militer, de manifester, de m’investir dans la vie de mon quartier, de ma ville, de mon pays. Je pris ma carte au PS avec le secret espoir de monter les échelons du parti et de peut-être un jour, qui sait, avoir une haute fonction. Très haute. La plus haute possible. Mais les réunions et les débats m’ennuyaient ; je ne comprenais rien à ce qui s’y disait, et personne ne semblait intéressé par mes idées que je trouvais pourtant sublimes de luminosité. De plus, étant frileux, j’eu très vite marre de me lever dès potron-minet pour coller des affiches dans la froidure. Surtout qu’à cette époque, c’était le mois de Février.

Je me rendis petit à petit à l’évidence : je n’intéressais pas les gens. Mes voisins me disaient à grand-peine bonjour, et il m’était difficile de me faire de nouvelles relations. Je voyais bien que les gens ne me sentaient pas. Cela devait venir de mon regard un peu noir. Un peu fuyant.
Même ma famille me fuyait : mes sœurs, lassées de mes prétentions artistiques et de mes airs supérieurs (car, en fin de compte et malgré tout, je me croyais toujours et encore supérieur au commun des mortels), mes sœurs, donc, incapables de faire le distinguo entre un artiste maudit et un artiste raté ne me téléphonaient pas, m’écrivaient encore moins et ne se sentaient pas obligées de m’inviter aux réunions familiales qu’elles organisaient. Je ne le regrettais pas, car j’étais certain de m’y ennuyer.
Ma mère, pour qui j’étais une erreur négligeable, vivait sa vie sans se préoccuper de moi, parcourant l’Europe avec ses amants sans jamais m’envoyer une carte postale. Mon père, quant à lui, mon père que j’aimais par-dessus tout et qui m’aimait plus que tout, mon père était décédé depuis six ans, à une époque de ma vie où j’avais tant besoin de lui, tellement besoin d’un père. Il était décédé en ne me laissant qu’une impression de manque, me laissant, somme toute, comme orphelin.

Continuant d’avancer dans le néant, je venais de passer la trentaine. Je n’avais, me semblait-il, toujours rien fait de mon existence. Il m’était à présent impossible de vivre intensément et de mourir jeune comme je me l’étais promis à quinze ans. Ça aussi, je l’avais raté. J’avais beau me dire que ma vie n’était pas inutile, que le peu que je vivais me servirait un jour où l’autre d’expérience, que j’emmagasinais des bagages qui m’aideraient, tôt ou tard (et à présent plutôt tard) à faire quelque chose de bon, rien n’y faisait : un sentiment d’échec m’emplissait à chaque fois que je pensais à mon passé.
Il m’était encore plus impossible d’imaginer mon futur ; dès que je me projetais n’était-ce qu’une semaine dans l’avenir, un immense mur abstrait de briques noires se dressait devant moi. J’avais peur. J’avais le ventre noué et des palpitations. Je fumais beaucoup.

Je me mis à l’écriture. Dans un ultime espoir, je m’étais pris à rêver devenir le nouveau Flaubert, ou rien. J’écrivis un roman, long et flamboyant, et l’envoyai à douze maisons d’éditions qui me le refusèrent toutes, en des termes choisis mais tout de même frustrants. Puis je voulus devenir le prochain Houellebecq, ou rien : je rédigeai un roman très introspectif et politiquement très incorrect. Il me fut refusé, en des termes courtois.
Fi des éditeurs incultes et imbéciles, je décidai de devenir le nouvel Isaac Asimov, couchant sur le papier une dizaine de nouvelles de science-fiction regroupées en un pavé de 825 pages toutes refusées en des termes qui commençaient à sentir le réchauffé. Mais, contre toute attente, le désespoir et le découragement ne m’atteignaient pas ; je sentais que j’avais trouvé là ma voie, ma véritable vocation, que j’étais un écrivain et que j’allais bientôt être enfin reconnu comme un génie incarné, et rien n’entachait cette certitude.
Je pondis ainsi une demi-douzaine de romans, tous rejetés. Même si j’avais trouvé ma voie, je manquais apparemment de maturité. Ce n’était pas grave, je continuais inlassablement d’écrire.
Au bout de mon huitième refus, je me demandais bien ce qui pouvait faire la différence entre moi et les dizaines d’auteurs publiés annuellement. Souvent, debout dans un rayon de la Fnac, je feuilletais les nouveautés littéraires, les trouvant pour certaines tout au plus très mauvaises, ou pour le moins beaucoup moins bien écrites que ce que j’avais pu produire jusque-là à la sueur de mes aisselles.
Je griffonnai alors un roman cynique, plein d’autodérision et de second degré, que je titrais Je n’aime rien ni personne, suivi de (très près par) ET Je vous emmerde. Enième refus.
Je choisis alors de devenir le nouveau John Kennedy Toole (ou rien), et j’écrivis un pavé plein de flamboyance.
C’était un chef-d’œuvre. Je l’envoyais à six maisons d’éditions, y joignant une lettre poignante signée d’un frère imaginé. En voici la teneur :


Madame, Monsieur,

Je me permets de vous envoyer ce manuscrit que j’ai trouvé à l’état de feuilles volantes, rédigées à la main et regroupées dans un cahier par mon frère mort, qui vient de se suicider.
Je n’attends pas grand-chose de cet envoi, si ce n’est la confirmation de votre part que je ne me trompe pas en qualifiant ce roman de chef-d’œuvre posthume.
J’espère que, tout comme moi, vous serez sensible au désespoir sublime qui éclabousse chaque page.
Mon frère avait du génie, mais, hélas, il n’en était pas convaincu. Puissiez-vous réparer une iniquité profondément injuste en publiant cet ouvrage qui, j’en suis certain, se retrouvera couvert de prix.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, mes sincères salutations.

Eric Bandini.


Trois semaines plus tard, je reçus une demi-douzaine de réponses, à peu près toutes les mêmes. En voilà la substance :


Monsieur ;

Nous avons bien reçu votre manuscrit, enregistré sous la référence n° 2981, et nous vous remercions de la confiance que vous nous témoignez. Malheureusement, votre roman, bien que non dénué d’intérêt, n’a pas enthousiasmé notre comité de lecture.

En vous souhaitant bonne réception de la présente, nous vous prions de croire, Monsieur, à l’expression de nos sentiments dévoués.


Quelle merde ! pensai-je alors. Quoi, rien n’allait y faire ? J’étais donc condamné à ne pas être reconnu de mon vivant, même en faisant semblant d’être mort ?
Écœuré par tant d’aveuglement de la part des éditeurs, je décidai alors d’écrire un best-seller, une bonne grosse daube infâme et dénuée de qualité (car cela aussi, je savais le faire), mais qui se vendrait comme des petits pains, que tout le monde s’arracherait pour lire dans le métro, dans les gares ou sur les plages du monde entier. Il ne me manquait que l’idée de départ. Il me fallait quelque chose de bien vendeur, de très accrocheur et surtout d’ultra-populaire. Mais je ne savais pas quoi. Pour la première fois de ma vie, la fontaine intarissable d’où jaillissaient en glougloutant les idées les plus folles et les meilleures semblait tarie. C’était le désert. Le gouffre obscur et sans fond de la page blanche. Et je commençai alors à désespérer.
C’est alors que le destin, farceur comme pas un, se manifesta enfin et frappa à ma porte, ou plutôt m’appela au téléphone. Je décrochai. C’était ma mère ; elle s’était souvenue que la veille était le jour de mon anniversaire, et elle m’appelait en coup de vent, entre deux trains à destination de Barcelone ou Lausanne. Elle était pressée, aussi ne s’attarda-t-elle pas, et ne me demanda-t-elle pas des nouvelles de ma santé ou de mes desseins ; depuis bien longtemps, elle avait arrêté de me demander quand j’allais me marier ou où en étaient mes projets de cinéma, de peinture ou d’écriture. Elle n’y croyait pas, elle n’y croyait plus, et ne s’en souciait guère.
Elle raccrocha au bout de quarante-cinq secondes qui, je l’avais senti, lui avaient paru interminables.
J’aurai bien aimé qu’elle me parle un peu plus. J’aurais bien aimé entendre un sourire. J’aurais bien aimé qu’elle me dise qu’elle m’aimait, qu’elle était fière de son fils un peu bohème, un peu rêveur mais tellement attachant.

Ma mère, issue de la bourgeoisie bordelaise, fille unique et très tôt orpheline, avait épousé un fils d’immigrés napolitains. Mon père était beau, avait de la prestance. Ma mère voulait considérer sa belle-famille comme sa nouvelle famille, mais elle ne fut pas acceptée. Encore moins quand elle mit au monde une fille, puis une deuxième, alors que toute la famiglia attendait un héritier mâle. Aussi, quand elle apprit qu’elle était enceinte pour la troisième fois, cette fois-ci d’un garçon, elle pensa que ma naissance arrangerait tout, et qu’elle allait enfin être acceptée. Il n’en fut rien. Alors, ma mère, frustrée et certainement malheureuse, déversa son mal-être et son manque d’amour sur moi.
Je l’ai rarement vue me sourire. Je ne me souviens pas avoir été caressé par elle, câliné par elle. Par contre, je me souviens qu’elle me regardait froidement. Je me souviens qu’elle me rabrouait sans cesse. Je me souviens qu’un jour, après que je lui aie rapporté une mauvaise note de l’école, elle me lança d’un air lourd de mépris que décidément, je n’étais vraiment pas intéressant.
Vingt ans après, je me souviens de ces paroles. Allez savoir pourquoi le cerveau enregistre certaines scènes et pas d’autres.

Une fois que ma mère eut raccroché après m’avoir péniblement souhaité mon anniversaire, une idée me vint. Je m’installai derrière mon ordinateur et écrivis une saga familiale, un soap littéraire où se déchiraient les membres d’une riche famille dont l’existence était empoisonnée par de lourds secrets. Sans plus vraiment y croire, j’envoyai l’histoire à sept maisons d’éditions.
Trois mois et cinq refus plus tard, je me sentais nul, sans intérêt. Je venais alors de finir un CDD dans la restauration, et ma dernière copine en date venait de me quitter : elle nous trouvait chiants, moi et mes petits malheurs même pas romanesques.
Pour combler la solitude qui me rongea alors, je téléphonai à mes rares copains, histoire de boire un verre avec eux. J’avais besoin de parler. Ils n’étaient pas libres, ou ne répondirent pas. Je sortis alors me promener un peu ; j’avais envie de voir du monde. En passant devant un bar, j’y vis mes amis attablés, parlant, riant. Apparemment, je ne leur manquais pas. En un éclair je me revis, à six ans, dans cette cour d’école où les autres se moquaient de moi parce que j’étais gros, me traitaient de bébé cadum, de gros lard, de patate, et partaient s’amuser en me laissant tout seul, le cœur lourd, avec mon chagrin de gosse et personne vers qui me tourner. Depuis cette époque, rien n’avait changé pour moi.

Je rentrai, complètement abattu, et décachetai mon courrier du matin.
L’ANPE me signifiait que je n’avais pas droit à de quelconques allocations.
Un sixième éditeur refusait mon dernier roman en des termes courtois.

J’allumai la radio. Elle jouait Five Years, de David Bowie. Je bus rapidement un verre, puis un deuxième. Puis un troisième.
J’ouvris la porte vitrée qui donnait sur mon balcon. Je sortis sur mon balcon. Je montais sur la balustrade de mon balcon qui surplombait une église, huit étages plus bas.
Il y avait un petit vent, mais je n’avais pas froid. Je me suis demandé si c’était vrai que toute notre vie défilait devant nos yeux juste avant notre mort. Je me suis demandé si j’allais m’évanouir avant de toucher le sol, puis j’écartai les bras et commençai à compter jusqu’à cinq.
À trois, le téléphone sonna. Une fois. Puis deux.
Je descendis de la balustrade, rentrai dans mon appartement et m’emparai du combiné.

À l’autre bout, une jeune fille dont je ne saisis pas le nom me signifia que l’éditeur pour lequel elle travaillait était très intéressé par mon roman.